Mariages gris – mariages blancs
Ce matin là, dans un commissariat du 18ᵉ arrondissement de Paris,Un homme va voir toute la vie qu’il a construite en France remis en jeu.Kossi, est Togolais. Il est marié avec une française depuis quatre ans.Selon la loi, il peut maintenant demander la naturalisation.Les policiers sont chargés de vérifier qu’il habite toujours avec sa femme,Et qu’il n’a pas fait un mariage blanc juste pour obtenir des papiers.Vous vivez bien avec madame **** ? Vous vivez avec elle ?Je vis avec elle mais actuellement elle n’est pas à la maison.- Elle où ? En voyage ? – Oui elle est en voyage.- Elle est où en voyage ? – Elle est à Strasbourg.À Strasbourg. D’accord. De toute façon, il y a des affaires d’elle chez vous ?- Oui. – Bon, on va aller voir ça.Kossi a 20 ans de moins que sa femme. Pour les policiers, c’est suspect.Ils veulent vérifier qu’il habite bien avec elle. Mais Kossi n’a pas les clés de chez lui.Il dit les avoir confié à un cousin dont il n’aurait pas le téléphone.- Vous n’avez pas la clé de chez vous, là ? – Non.Vous l’appelez souvent votre cousin ? Il doit être dans votre portable.Oui, je l’appelle une fois qu’on compose le numéro et puis je ne l’ai plus car je ne l’ai pas enregistré.Videz toutes vos poches.Dans ses poches il y a des clés avec une adresse sur le trousseau.Mais elle ne correspond pas à son adresse conjugale.C’est pour un ami.C’est un peu compliqué. Il y a votre cousin qui a les clés de chez vous, rue de Torcy et vous, vous avez des clés, rue de Lubeck.C’est un peu compliqué Monsieur.Les policiers font une simple recherche sur l’annuaire. Kossi est bien inscrit, mais pas rue de Torcy,Là où il est censé vivre avec sa femme.C’est quoi ça ?C’est votre nom, votre prénom avec un numéro de téléphone au **** rue Lubeck.Donc vous n’habitez pas rue de Torcy, vous habitez rue Lubeck.J’habite rue de Torcy, Madame.Il faut arrêter, je pense là, non ? Je pense qu’il faut nous dire la vérité maintenant, vous habitez où ?C’est elle qui habite rue de Torcy.Donc vous, vous habitez rue Lubeck, et elle, elle vit rue de Torcy.Vous n’habitez pas ensemble avec madame ?On va faire simple, on va aller sur Lubeck. Vous allez nous suivre.On va vous faire monter dans le véhicule et on va aller voir. D’accord ? Et là, on saura si c’est vrai ou pas.Direction donc la rue de Lubeck. Les policiers sont persuadés que, contrairement à ce qu’ils affirment,Kossi vit là-bas et non pas avec sa femme, rue de Torcy.En fait on vérifie si la communauté de vie est bien réelle.Savoir s’il y a des brosses à dents, des vêtements à la dame,S’il vit avec la dame ou pas, c’est la chose qu’on va faire.- Rue Lubeck, il y a une femme ou pas ? – Non, il n’y a pas de femme.- Il y a peut-être une autre femme ? – Non, il n’y a pas de femmes.- Vous n’avez qu’une femme, vous n’avez pas plusieurs femmes ? – Non.L’immeuble est superbe mais pour accéder à l’appartement de Kossi, au dernier étage, il faut passer par l’escalier de service.Les policiers en profitent pour interroger la concierge.Attendes, attendez, votre boite aux lettres est où ? Comment vous faites pour recevoir votre courrier ?Bonjour, on est le commissariat du 18ᵉ arrondissement.- Vous connaissez Monsieur ? – Oui.- Il vit à quel étage ? – Au dernier étage.- Au dernier étage, il vit avec quelqu’un ou pas ? – Il vit avec un garçon.- D’accord et il a une femme ? – Non.Merci, on a notre réponse.Les policiers n’ont pas le droit d’entrer dans l’appartement sans l’accord de Kossi.Allez-y entrez, on vous suit. C’est tout petit !Mais s’il refuse la visite, c’est un très mauvais point pour sa naturalisation.- Qui vit là alors ? – C’est mon ami Maurice.Il y a quoi dans l’armoire ? C’est votre ami Maurice qui vit là ? Et vous, vous ne vivez pas là ?Vous pouvez nous sortir un ou deux papiers, je veux juste voir une facture.Là, il y a une facture. Donnez-moi la facture.Non, non, mais montrez-moi les papiers. C’est pas à moi de fouiller, c’est à vous de me les montrer.- Ah voilà, ça, c’est quoi ? C’est quoi ? – C’est une facture internet.- Oui, c’est quoi là ? – Ça marche avec le téléphone.C’est marqué quoi là ? Donnez m’en d’autres, des papiers.Qu’est-ce qu’il y a sur cette facture ?Il y a son adresse ici, avec son nom et son prénom.Voilà, EDF, c’est chez vous. Voilà, on a la preuve.Vous venez lundi à 15h avec votre épouse et votre cousin, avec les clés de rue de Torcy. D’accord ?Bon, allez, bonne journée Monsieur. Au revoir Monsieur.Toute façon, c’est sûr, il vit ici, il a son loyer ici à son nom, il y a des factures ici.Donc il vit ici donc le mariage n’existe pas. Ils n’ont pas de communauté de vie,Donc ils ont fait ça pour les papiers, pour qu’ils aient les papiers français et puis voilà.Ultime vérification, les policiers se rendent rue de Torcy, le domicile officiel du couple.Les deux noms sont bien sur la boîte aux lettres,Mais il n’y a personne dans l’appartement.Les policiers se tournent donc à nouveau vers la concierge. Elle est absente, mais elle leur répond au téléphone.Bonjour madame, c’est la police, commissariat du 18ᵉ. Vous pouvez nous donner un renseignement ?Vous connaissez Monsieur **** ?Sur l’escalier A, l appartement ****.D’accord, il vit avec quelqu’un ? Il vit avec sa femme ou pas ?Selon la concierge, un Africain vit bien ici, mais ce n’est pas Kossi et il n’y a pas de femme non plus.D’accord, il ne vit pas là. D’accord.Trois jours plus tard, malgré la convocation, Kossi ne se présentera pas avec sa femme au commissariat.Il n’obtiendra pas la nationalité française.Au prochain renouvellement de sa carte de séjour, il pourrait même perdre son droit à rester en France.Aujourd’hui, la moitié des étrangers obtient un titre de séjour en épousant un Français ou une Française.Le nombre de ces unions a explosé jusqu’à représenter un mariage sur trois.Mais l’état suspecte des mariages blancs, alors il a renforcé les contrôles.Désormais, les couples franco-étrangers ont beaucoup plus de difficultés pour se marier.Et les problèmes commencent dès le dépôt du dossier, à la mairie.C’est le cas à Drancy, en région parisienne.Depuis trois ans, la responsable de l’état civil,Jasmine Patar, interroge systématiquement les futurs mariés sans papiers.On y va Monsieur ****, il faut que je vous attende derrière.Alain est Français. Il veut épouser Nadia, une Marocaine dont le visa expire en novembre 2008.La fonctionnaire va les recevoir l’un après l’autre.Vous allez vous asseoir là. Je vais interroger Monsieur, et je vous prends après.C’est la loi qui nous oblige à faire comme ça.Elle va leur poser des questions qui vont bien au-delà d’un simple entretien administratif.Elle veut confronter leurs réponses et relever d’éventuelles incohérences.- Vous avez quel âge vous ? – Moi, j’ai 48 ans.48 ans, d’accord. Et elle, elle est jeune.Elle a 34 ans. Mais bon, il n’y a pas d’âge.Non, absolument. Vous vous connaissez depuis juin. Vous ne trouvez pas que c’est… Pour vous marier, c’est récent.Moi, je vous le dis franchement, je vous le dis, je l’aime. Donc je regarde pas si je la connais depuis 6 mois, 2 ans, 25 ans.Mais elle, elle pourrait avoir une raison pour vouloir se marier…Oui mais je ne m’interroge pas là-dessus. Je vois bien comment elle est avec moi.- Vous pensez qu’elle vous aime ? – Moi, je pense, oui.Et qui a décidé de se marier ? C’est vous ? C’est elle ?C’est un peu les deux mais surtout elle parce que par rapport à leurs coutumes, c’est un peu différent de nous.Moi, je ne suis pas réticent à ça. Je vous le dis franchement. Se marier… Je me marie.- Et vous, vous n’allez pas vous convertir à l’islam ? – Moi, je l’ai fait. Ça y est.- Ça y est, vous êtes converti ? – Oui, oui.Depuis quand ?J’aurais dû avoir mes papiers au mois de janvier.Vous l’avez fait pour elle ?Je l’ai fait pour elle pour vous dire où je vais !Et pourtant je suis catholique et j’étais à l’église.Madame, vous venez. Vous avez quelques petits soucis pour comprendre donc je vais parler doucement, asseyez-vous.Vous ne parlez pas bien français ? Mais vous comprenez quand je vous parle ?- Un petit peu. – Un petit peu d’accord.Voilà. Donc je voudrais savoir quand est-ce que vous l’avez rencontré Monsieur ?- Vous l’avez rencontré quand ? – J’ai pas compris.Quand est-ce que vous ne l’avez connu ? Vous l’avez rencontré comment ?Faute de pouvoir obtenir des réponses, Jasmine Patar décide de réunir les deux personnes.On va remettre une couche, non ?Bon vous, je ne doute pas que vous soyez réellement amoureux de Madame.Elle est jeune, elle est jolie, mais moi, c’est par rapport à elle, parce qu’elle a un titre de séjour,Qui va arriver à échéance bientôt et on pourrait supposer qu’elle veut rester sur le territoire,Et qu’elle cherche par tous les moyens à y rester et notamment par le mariage.On a le droit quand même aussi de changer sa vie.Si on ressent quelque chose pour une personne et que la personne… Vous voyez, ça se fait des deux côtés.On la droit aussi quand même au bonheur, je pense.Il ne faut pas oublier que je suis français, donc je ne vois pas pourquoi on m’embête autant, moi.On ne vous embête pas, c’est la loi, c’est pas vous.Vous seriez venu avec quelqu’un en situation normale…Si demain je vais voir une Française, je veux me marier avec une Française,On va me dire OK, pas de problème, bien sûr ! Même si je n’ai pas de sentiments.Et vous alors ?Essayez de lui demander ce qu’elle ressent, elle.Qu’est-ce que tu penses de tout ça ?Non, parce que là, elle n’y arrivera pas. C’est pas la peine.Sans aucune hésitation, Jasmine Patar va signaler le couple au procureur.C’est lui qui pourra lancer une enquête et s’opposer au mariage.Vous venez nous voir et vous demandez votre dossier. Sinon, vous aurez reçu quelque chose avant.Je pense qu’ils ne se connaissent pas beaucoup, même pas du tout.Et que Monsieur, arrivé à 48 ans, il a envie de construire une vie comme tout le monde,Et que pour lui c’est la chance de sa vie, peut-être.Mais bon, c’est vrai que quand il est venu sans elle la première fois, il ne connaissait pas son nom.Très clairement, vous pensez que cette dame là, elle se marie avec lui pour avoir des papiers ?Ah oui, oui, oui. Là, il n’y a aucun doute.Alain ne s’attendait pas à un tel interrogatoire.Il ne comprend pas que la mairie se mêle de son histoire.Je vous le dit franchement, je suis énervé.Je suis énervé parce que j’ai l’impression que…Pour moi, ce n’est pas trop normal. Ça fait beaucoup quoi !Le dossier est maintenant entre les mains du procureur de la République, qui doit rendre sa décision dans quelques semaines.Ces entretiens en mairie ont parfois des conséquences dramatiques pour les couples amoureux.C’est le cas de Laetitia. Elle veut se marier avec Mohamed, un Marocain sans papiers.Lors de l’entretien à la mairie, le fonctionnaire a cru à un mariage blanc. Il a alerté le procureur.Mohamed a été arrêté. Ce matin, Laetitia se rend au tribunal administratif pour empêcher son expulsion vers le Maroc.Mohamed arrive du centre de rétention entre deux gendarmes.Mais elle parvient à lui téléphoner. Leur mariage doit avoir lieu à Dijon dans une semaine.- Chéri, ça va ? – Oui, ça va.T’es où ? T’es là dedans ?Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ce matin ?Rien de spécial. Elle a refusé le recours, c’est tout quoi.Elle a refusé le recours ?Un premier recours a été refusé. Le tribunal administratif est leur dernière chance.- Donc là, si tu n’es pas libéré, c’est que tu retournes au Maroc ? – Voilà, oui.Courage. L’avocate va arriver tout à l’heure, d’accord ? Allez bisous.Mohamed et Laetitia sont ensemble depuis trois ans. Elle craint que la justice brise son histoire d’amour.Je suis écoeurée de la pression, du stress. J’ai un nœud dans l’estomac parce que je me dis que s’il n’est pas libéré,Jamais il ne pourra revenir en France. Alors comment on va faire entre lui et moi ?Parce qu’on va pouvoir se marier au Maroc, mais il ne pourra pas revenir,Ça veut dire que je vais faire des allers-retours Maroc-France pour aller le voir. C’est quoi cette vie de mariage ?Laetitia va maintenant devoir prouver aux juges qu’elle constitue un vrai couple avec Mohamed.L’audition ne dure que quelques minutes. Pas de quoi la rassurer.Comment vous l’avait senti le juge par rapport à l’affaire ?Je ne peux pas vous dire. C’est un cas sur deux, c’est 50-50. Je ne peux pas dire s’il a été sensible ou pas. Je ne sais pas.- Comment vous vous sentez là ? – Stressée, angoissée.L’attente dure toute l’après-midi.Laetitia pourra-t-elle bientôt porter une alliance à côté de sa bague de fiançailles ?Et finalement…Le juge a donné raison au couple. Mohamed est libre.Alors on n’y croit pas ?C’est un grand soulagement de retrouver la famille parce que je n’aimerais pas partir comme ça,Parce que c’est ma femme, c’est mon cœur, c’est ma vie. Merci, merci.Comment ça s’est passé alors ?C’était très dur. Les gens là-bas, ils souffrent, tout le monde souffre franchement, surtout la rétention,C’est très difficile, c’est insupportable !Les fourgons des gendarmes repartent avec les futurs expulsés, mais sans Mohamed.Le juge a estimé qu’ils forment une vraie famille avec Laetitia.Une expulsion aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et familiale.Autrement dit, même un sans papiers a le droit de se marier.Mohamed et Laetitia se marient donc cinq jours plus tard, comme prévu.La jeune femme, qui avait déjà un enfant, va pouvoir reconstruire sa vie.Trois mois plus tard, nous les retrouvons chez eux, à Dijon.Avec la suspicion généralisée contre les mariages,Cette robe a bien failli ne jamais servir.Tous les mariages mixtes, maintenant c’est des mariages blancs, on s’en fiche.Bon, c’est vrai, on ne va pas mentir, il y en a des mariages blancs.Maintenant, quand il y a des vrais mariages, on y croit plus.La préfecture, tout ça, ils n’y croient plus. C’est dommage, c’est dommage.Il faut leur prouver. C’est vrai qu’il n’a pas de papiers, on se pose des questions comme toutes Françaises.Puis après on se dit il faut qu’il nous le prouve. Il faut que l’homme nous le prouve.Et puis il a fait ses preuves, en plus de trois ans, il a fait ses preuves.Quand on est une femme, on a des preuves.Des petits gestes, des petits… Il y a des preuves.Mais rien n’est acquis. Même après le mariage, les couples ne sont pas sortis d’affaire.Je ne suis pas un arbre de Noël !Dans une clinique de Nîmes, Fatima fait un peu plus connaissance avec son futur bébé.- C’est une fille ? – Oui.Un moment rare pour des parents.Petite fille.Dommage, il n’y a pas mon mari. Il ne peut pas venir.Le futur papa n’a pas pu venir. Il se cache. C’est un immigré clandestin.Pourtant, il s’est marié sans problème à la mairie avec Fatima qui est française.Pendant huit mois, tout s’est bien passé jusqu’à ce que la préfecture lui refuse un titre de séjour.Elle suspecte un mariage blanc et refuse de le régulariser.Il ne peut pas venir, mon mari. On a peur pour les contrôles et tout.Qu’il se fasse attraper.Il vaut mieux qu’il reste là où il est et après, on se verra et on partagera ce que j’ai vu.C’est très difficile de vivre cette situation.Je le vit qu’avec ma mère. C’est elle qui vient avec moi au rendez-vous alors que normalement ce n’est pas ça quoi.Normalement c’est le mari qui doit venir avec sa femme.La préfecture exige que son mari retourne au Maroc chercher un visa pour la France.D’ici là, s’il se fait arrêter, il sera expulsé.Peu importe qu’il soit papa dans trois mois.Qu’il soit sans papiers, c’est ce qui compte pour eux.Mais pour arranger une famille. Non, pour eux, ça ne compte pas.Ils préfèrent briser le cœur de la personne, de le renvoyer dans son pays parce qu’il est en irrégularité. Voilà.Depuis quatre mois, lorsqu’ils veulent se voir, ils s’appellent au dernier moment pour prendre rendez-vous.Allô ? T’es où ?Ce jour-là, elle le retrouve dans un parc du centre ville de Nîmes.Je vais montrer le truc.Regarde.La bouche, le nez…- C’est une fille ou un garçon ? – C’est une fille.- Ok, c’est bien. – La bouche ouverte !On ne s’est pas mariés pour les papiers.On s’est mariés pour avoir une vie, des enfants, comme tout le monde en France.On s’est mariés pour vivre normalement.Ils se sont tournés vers des associations, leur dernier espoir pour défendre leur dossier,Car ils ont épuisé tous les recours.La justice est de plus en plus sévère. Il faut dire qu’il y a eu de gros abus.Meaux, en région parisienne.Ce matin de novembre, le tribunal ne se prépare pas à juger une personne, mais 28.Presque tous ceux qui patientent dans la salle des pas perdus sont accusés d’avoir participé à un trafic de mariages blancs.Tous les maris venaient du même village de Tunisie.Ils auraient payé des Françaises pour les épouser.Des femmes pauvres pour la plupart. Certaines sont gravement malades ou handicapées.Onze mariages sont remis en cause. Le procureur a résumé le trafic sur un vaste tableau exposé au centre de la salle.Les traits rouges représentent les liens de parenté entre les uns et les autres. Par exemple, là c’est deux cousins.D’un mariage à l’autre, une même personne pouvait être successivement marié, témoin ou intermédiaire.Dans plusieurs mariages successifs.La plupart des femmes mises en cause vivent ici, dans la cité de Beauval, à Meaux.Elles se faisaient aborder dans le centre commercial, au pied des immeubles.Céline, Jennifer et Mickaelle font partie de ces femmes qui ont été recrutées pour épouser des inconnus contre de l’argent.- C’est sûr que la plupart des gens se rencontrent. – Et qu’est-ce qu’il se passe alors ?Parfois, si on s’assoit, ça y est, on nous aborde et puis on nous propose des mariages comme ça.En fait, regarde, comme le café qui est là-bas, ils regardent un peu les filles qui passent,Et après, ils nous accostent, ils boivent un café avec eux.Histoire de dire qu’ils nous endorment, ils nous endorment.Généralement, ils choisissent soit des femmes, ils se renseignent un petit peu au niveau de leurs cousins,À ceux qui sont là depuis longtemps, des Tunisiens qui sont là depuis longtemps,Savoir si ils ont vu certaines filles avec un homme ou si elle est toute seule,Ils se renseignent, généralement, ils prennent des femmes qui sont seules avec des enfants.En général, c’est parce qu’on est faibles, justement, qu’ils nous proposent de l’argent.- Et vous, on vous avez proposé combien ? – 5 000.Et vous, l’homme que vous avez épousé, vous le connaissez ? Vous l’aviez rencontré avant ?Non, je l’ai connu peut-être deux ou trois jours avant et après on a commencé à faire le mariage et voilà.- Vous vous êtes mariés combien de temps après ? – Deux mois après.- Et vous êtes toujours mariée ? – Non, je viens de divorcer.Une fois les papiers obtenus, les couples divorcent.En manque d’argent, Céline, toxicomane, est allé encore plus loin.Elle s’est fait payer pour épouser un homme.Mais elle a aussi vendu à un deuxième homme, la reconnaissance de paternité de sa fille.Le marché, c’est qu’il fallait que je fasse reconnaître ma fille pour qu’il obtienne ses papiers français.Oui, j’ai reçu une somme de 3 800€ pour avoir fait reconnaître ma fille par un autre monsieur, pas le même du mariage blanc.Ça aussi c’est une erreur que j’ai faite, que j’ai reconnue.Puisque j’étais toujours sous l’emprise de l’alcool et puis des soucis de toxicomanie.Acheter une famille pour avoir des papiers.L’ex-mari de Jennifer, celle qui affirme avoir touché 5 000€, nie catégoriquement tout échange d’argent.Il parle à visage découvert parce que, selon lui, c’était un mariage d’amour. Il n’a rien à cacher.Et pour prouver sa bonne foi, il a apporté des photos de la cérémonie.Ça c’est la femme et le fils de ma sœur. Ça, c’est moi.Ça c’est mon cousin.Le problème, c’est que la plupart des rares personnes qui étaient présentes au mariage ce jour là,Sont elles aussi mises en cause dans ce trafic.Elles étaient amoureuses de vous ?De temps en temps, oui, mais de temps en temps, ça changeait.Alors pourquoi elle s’est mariée avec vous ?Comme une autre femme, elle a besoin d’un homme et moi, j’ai besoin d’une femme.Elle me connaît, elle me trouve gentil, courageux. Beaucoup de chose.En quatre ans de mariage, ils n’ont jamais vécu ensemble. Elle avait des enfants. Il ignore leurs prénoms.Ils s’appellent comment ses enfants ?Je ne me rappelle pas…En première instance, le tribunal l’a jugé coupable.Il a fait appel, mais si sa peine est confirmée, il sera obligé de quitter la France.Les épouses, elles, ont été condamnées à de la prison avec sursis.Aujourd’hui, pour éviter les mariages blancs, les contrôles sont donc de plus en plus stricts.Au risque pour l’administration d’empêcher de vrais amoureux de se marier.Mais certains osent encore se lancer dans l’aventure en espérant que le meilleur l’emporte sur le pire, comme Marco.Marco est Serbe, il est arrivé en France il y a cinq ans, sans visa.Depuis, il enchaîne les petits boulots dans le bâtiment.Renata, sa future femme, est née en France. Elle a rencontré Marco dans le bureau de tabac où elle travaillait.Quand j’entendais, par exemple, que quelqu’un qui n’a pas les papiers et quelqu’un qui a les papiers,Peu importe si c’est la femme ou l’homme, ils se marient,Moi tout de suite, ça me venait à l’esprit le mariage blanc pour les papiers, en fait, ça n’a rien à voir.Moi, je l’ai rencontré, il n’a pas de papiers, il n’a pas de papiers.Moi, je ne savais pas qu’il n’avait pas les papiers et je ne l’ai même pas su tout de suite,Je l’ai su qu’après qu’il n’avait pas de papiers.On ne choisit pas.Seule ombre sur cette belle journée, la mère de Marco n’a pas obtenu de visa.Le futur marié doit se contenter de partager son émotion au téléphone.Klaxonnes et bannières au vent.Aujourd’hui, pour une fois, Marco ne cherche pas à passer inaperçu.Il faut dire que la mairie du 18ᵉ arrondissement de Paris l’a rassuré.Ici, il n’y a ni entretien avec un fonctionnaire, ni contrôle des cartes de séjour.On lui demande seulement de prouver son identité et de justifier son domicile.Est-ce que vous vérifiez si le marié a un visa ou ce n’est pas nécessaire ?Non, juste les pièces d’identité.****, acceptez-vous de prendre pour époux Monsieur **** ?Oui.Au nom de la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage.Marco est officiellement marié avec une Française.Il a passé la première étape, il lui en reste encore de nombreuses à franchir s’il veut un jour devenir français.Avec la multiplication des contrôles, en 2006, le nombre d’étrangers qui obtiennent des papiers grâce au mariage,A commencé à diminuer.